lundi 23 février 2015

Le harcèlement scolaire, je sais ce que c'est

Bonjour

Il y a quelques temps un reportage sur le harcèlement en milieu scolaire a été diffusé sur France 2.

Une lettre a ensuite été envoyée aux professeurs pour les alerter sur le sujet ( vous trouverez l'article ici chez ma copinaute Kiara).

Des articles ont émergé de ci de là sur la blogosphère à ce sujet.

J'ai voulu réagir aussi mais j'ai eu honte.

Honte de dire que j'ai été moi aussi victime de harcèlement scolaire.

Je sais que c'est un non sens d'avoir honte d'être victime mais c'est comme ça, c'est un poids qu'il faut porter, un passé avec lequel il faut vivre.

Ça a commencé très tôt, à la primaire déjà, j'étais celle à qui il ne faut pas parler car à cause de mes bonnes notes j'étais la "chouchoute" de la maîtresse, ce qui n'était pas le cas mais bon ça c'est une autre histoire. J'avais très peu de copines du coup et j'étais exclue des anniversaires et toutes les manifestations de ce type. A l'époque, l'innocence aidant je surmontais ça assez facilement.

Au collège ça a été une autre histoire, petite, grosse, appareil dentaire et bonne élève j'avais la totale pour servir de bouc émissaire pour toutes les crises des adolescents. Bousculade dans les escaliers, ce qui m'a valu une entorse, crachat, porte des toilettes ouverte de force quand tu fais pipi pour t'humilier devant tout le monde... Pas vraiment de bons souvenirs. Etant dans un milieu  ZEP, les structures n'étaient pas forcément adéquates. J'avais voulu faire "latin" pour être dans les "bonnes classes"mais le conseil des prof m'a refusé cette option car il ne s'agissait pas de mettre tous les bons élèves ensembles et laisser les autres de côté. Des années plus tard, je me rends compte que les bons élèves avaient surtout des prénoms bien "français" et que dans mes classes ce n'était pas franchement le cas.

En troisième, je faisais enfin partie des "grands", en plus mon corps avait changé et mes formes étaient devenues très féminines, j'ai eu un répit car les filles comme les garçons s'occupaient plus de leurs amourettes et de leur statut de vieux de la cours de récré que de moi.

Néanmoins forte de mon expérience, j'ai décidé de ne pas aller dans le lycée de secteur car je ne voulais pas continuer à être avec les mêmes personnes.

J'ai suivi la voie technique en faisant une seconde technologique. J'ai eu la "chance "d'être mise dans une classe dépotoir comme seule l'administration peut en faire. 35 élèves dont 5 filles, plus de la moitié ayant déjà fait l'objet de sanction type avertissement ou exclusion dans leur collège, les autres pas forcément mieux et un prof principal qui se faisait maltraité par sa classe. Pourquoi et comment ça a commencé je ne me rappelle plus trop, juste des souvenirs d'un garçon qui m'avait demandé de sortir avec lui et a qui j'avais dit non, puis des "sale pute" qui commençaient à fuser sur mon passage, des "pour qui elle se prend celle là", des bouts de papier avec écrit mon nom et que l'orthographe exacte aurait dû être "boudin bout de bite", des portes qu'on referme violemment sur mon passage, un prof principal qui m'envoie au tableau et des élèves qui crient derrière "t'as vu le cul de cette pute qui pourrait en vouloir" et le prof qui disait ne rien entendre. Je rentrais chez moi en pleurant, j'allais en cours en pleurant. Heureusement que j'avais quelques copines bien sympas qui me permettaient de traverser ça. Mes parents ont tenté d'intervenir, remuant l'administration, allant même jusqu'à menacer mon professeur principal tellement il ne faisait rien pour m'aider.

Cette année a fini par toucher à sa fin, mon dossier étant bon, un de mes professeurs m'a conseillé de suivre ce qui à l'époque s'appelait une première S option Technologie Industrielle ( S option SI je crois désormais) en m'affirmant que seuls les élèves ultra motivés s'engageaient dans cette filière et que ça me mettrait à l'abri des énergumènes. J'ai suivi son conseil et il avait raison. A part quelques "bons mots" assez anecdotiques, les deux années suivantes se sont bien passées.

Je pensais que tout cela était arrivé à sa fin, mes deux années d'IUT puis ma prépa m'ont renforcées dans cette croyance.

J'ai intégré une école d'ingénieurs et la première année tout s'est bien passé niveau ambiance, niveau scolarité un peu moins et j'ai dû refaire cette année. J'ai très mal vécu ce que je considérais comme un échec. Du fait de mon année de prépa et de mon redoublement j'avais deux ans d'écart avec mes camarades de classe, deux ans ça paraît rien mais de mon côté ça ne m'a pas permis de m'intégrer. De par ma dépression j'avais pris du poids. J'ai toujours eu des formes mais avec ces kilos en plus, je paraissais "obèse" par rapport aux minettes de ma classe. Du coup j'entendais des "sale grosse" dans les couloirs, puis je ne sais pas pourquoi il y a eu des "t'es trop moche", des "va te cacher". Je continuais à avancer, à faire semblant de ne rien entendre mais chaque mot réduisait l'estime que j'avais de moi même qui n'était pourtant pas forte.

Un stade au dessus a été franchi quand des charmants camarades( dont j'ai su les noms plus tard) ont récupéré mon numéro de portable et de fixe et ont créé un profil internet en laissant mes coordonnées sur un site de cul en décrivant par détail toutes les saletés que j'aimais qu'on me fasse. Lasse j'ai changé de numéro et résiliée mon fixe.

Ma carapace s'est endurcie, je suis devenue au fil des années dure, avec une répartie cinglante.

J'ai donné l'image d'une personne forte, solide, que tout ça n'atteint pas.

Mais c'est faux.

J'ai attendu, que le temps passe, que les choses changent.

Certains me diront "mais pourquoi tu n'as pas agi?"

Pour faire quoi? Comment?

Comment faire comprendre qu'on a honte de parler de ça, honte de raconter ce que l'on subi, honte de devoir encaisser des conseils sur comment réagir.

Aujourd'hui je l'écris, j'écris ce qui se passe car en lisant qu'une fille s'est suicidée suite à son harcèlement je me dis qu'heureusement à mon époque internet n'existait pas car ce phénomène s'amplifie lorsqu'on est bien caché derrière son écran.

Je l'écris car en vérité je n'ai pas mérité ce que j'ai subi et je n'ai pas à en avoir honte.

J'écris ce billet car un jour PetiteFée ira à l'école et que je souhaite qu'elle sache ce que sa mère a subi, pour ne jamais passer du côté des harceleurs, pour ne jamais laisser quelqu'un se faire harceler sans intervenir et surtout pour que jamais elle n'ait honte si jamais elle fait l'objet de harcèlement.

4 commentaires:

  1. Coucou ,
    Ton article m'a beaucoup émue et je suis quand même fière de te dire que tu as du courage de supporter tout ça , d'essayer de passer au dessus et de vivre avec ces choses sur la conscience et sur le dos. Il n'est jamais facile d'en parler autour de soi ou d'en parler tout simplement et je te comprends tout à fait ... J'ai subit aussi des harcèlements au collège et au lycée à part ma dernière année.. ! Se fut dur voir même très dur jusqu'à en faire une dépression au plus au point je ne pouvais plus aller en cours.

    Je t'apporte tout mon soutien , et je suis appeurée de l'avenir sur ce sujet . Car c'est de pire en pire , de plus en plus fort et ça commence de plus en plus tôt . Il faut en parler avec ces enfants pour leur dire que ce n'est pas une honte et comme tu l'as dit que ce ne soit pas eux qui passe du côté des harceleurs.

    Petite fée sera ravie d'avoir tes mots !
    Des bises

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    1. Merci beaucoup de ton passage chez moi et d'avoir laissé un commentaire. Je suis désolée d'apprendre que toi aussi tu as vécu des choses pénibles

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  2. Hé bien dis donc, quel billet!
    Toute ta scolarité a été une longue épreuve.
    Je ne sais pas quoi ajouter, je crois que tu connais mon avis...

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  3. Oui malheureusement a l'époque je ne suis tombée sur aucun professeur qui m'écoutait. Grâce a des gens comme toi les choses changent

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